Quelle place pour nos enfants ?
J’ai emmené ma fille voir un spectacle. Non, je suis allée voir un spectacle et j’y ai emmené ma fille. Cela me semblait tout naturel, vu qu’elle va partout avec moi (le grand reste parfois avec son papa). Puis, alors que j’annonçais que l’allais voir « Chanson plus bifluorée » (super soit dit en passant) à mon entourage je me suis entendu répondre : « Et que vas-tu faire de ta fille ? » « Ben, je l’emmène… » « Ah ? »
D’un coup, je me suis rendu compte, je me suis souvenue
plutôt, que ce qui aurait dû en effet être tout naturel ne l’était pas.
Je ne vais pas souvent au concert, mais je vais parfois au théâtre et
je n’y ai jamais vu de bébé. Jamais. Pas une seule fois. Les gens
n’ont-ils donc pas d’enfants ? Pourtant, on voit dans les supermarchés…
On en voit dans les écoles. On en voit dans les parcs. Mais au théâtre,
au cinéma, aux conférences… pas. Les gens laissent leurs enfants pour
sortir. Ce que je comprends dans le cas d’enfants plus grands qui ont
surtout besoin de dormir à l’heure à laquelle ont en général lieu ce
genre d’activités. Mais pour un petit, qui dort n’importe où et de
préférence contre ses parents…
Les gens laissent donc leurs enfants à
d’autres. Ou se privent de sortir ? On comprend mieux d’un coup tout
ceux qui affirment que les enfants c’est compliqué, « on ne peut plus
rien faire ». On s’empêche bien des choses sans raison, en tout cas.
J’ai envisagé sérieusement de ne pas aller au concert, persuadée que
j’étais qu’on ne me laisserait pas rentrer dans la salle. J’ai
vaguement effleuré la pensée de laisser ma fille chez des copains, mais
seulement vaguement : je ne l’avais jamais laissée à personne à cette
époque (il y a un mois et demi) et les soirées sont des moments pas
trop faciles pour elle… J’aurais été incapable de profiter du
spectacle, obnubilée que j’aurais été par la pensée que peut-être elle
était inconsolable en train de se demander pourquoi je l’avais
abandonnée chez des inconnus…
Finalement, j’ai fini par y aller avec
elle, en me disant qu’au pire ils me laisseraient à la porte et que
tant pis, elle valait plus qu’un spectacle.
En fait, les gens ont été
charmants ils m’ont proposé de me mettre près de la sortie au cas où
elle aurait eu envie de discuter, ce qui m’arrangeait plutôt car je me
sentais plus sereine ainsi. Et ma crevette de fille a regardé presque
les trois quarts du spectacle !! Pas du tout envie de dormir ma petite,
pas du tout ! Elle n’a pas fait un bruit et s’est endormie
tranquillement dans le porte bébé quand elle en a eu marre.
Depuis, je
m’interroge encore plus sur la place des enfants dans notre société. Il
faut faire des enfants, hein, c’est notre devoir de bon citoyen, mais
ils doivent rester discrets, se faire petits, et ne pas déranger notre
monde trop sérieux.
J’avais été très étonnée, lors de mon séjour en
Inde, de voir que dans les temples les gens sont silencieux et assis…
mais les enfants ont le droit de courir, rire et crier, même pendant la
cérémonie. Et cela ne dérange personne ! Et cela ne devrait déranger
personne que les enfants vivent leur vie ! Mais c’est inimaginable chez
nous. Ce n’est pas demain la veille qu’on laissera nos enfants courir
dans les églises. Même moi, je ne laisse pas mes enfants le faire parce
que culturellement c’est inacceptable. Mais Dieu a conçu (s’il existe)
des enfants avec des jambes qui les démangent dès qu’ils sont assis
plus de 15 minutes… Ce n’est pas lui que ça dérangerait ! (De plus, ce n’est pas
par la contrainte qu’on apprend le respect d’autrui, on n’apprend qu’à
obéir en obéissant…
mais c'est un autre débat).
Mais pour revenir plus précisément à la question de la place des
enfants dans notre société… j’ai été « obligée » de prendre un congé
parental (dont je ne me plains pas, j’ai adoré ça, si ça pouvait durer
!!) parce qu’il était impensable pour moi de reprendre le travail avec
un bébé de deux mois et demi que j’aurais dû laisser chez une nourrice.
Alors qu’il n’aurait pas été du tout impensable pour moi, de reprendre
le travail avec un bébé… (peut-être pas de deux mois et demi, mais de
six ou huit mois, pourquoi pas) que j’aurais emmené
avec moi !
Ben oui, pourquoi pas ?
Cela me gênerait-il pour faire mon
travail correctement ? Je ne pense pas.
Mais c’est tout simplement hors
de question.
Ne faudrait-il pas la poser, pourtant, cette question ? Pourquoi séparer d’un côté, la vie des adultes et le monde adulte et de l’autre côté les enfants et ceux qui s’en occupent, qui maternent… qui font ce qu’il faut pour eux ???
Ne serait-il pas temps de rendre ce monde plus humain pour tous, adulte et enfants en cessant cette ghettoïsation par l’âge ?