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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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12 avril 2008

Respecter ses besoins de sommeil

Par Laurence


Voilà longtemps que j'ai envie d'écrire un article sur le sommeil. Tout le monde le sait, le sommeil est indispensable à l'organisme. Médecins, journalistes, marchands de bonheur et publicitaires s'accordent tous pour dire que "la bonne nuit de 8 heures" ou "la sacro sainte sieste" sont aussi nécessaires à  notre petite personne que de manger ou de boire.

Régulièrement, un dossier "sommeil" fait la Unedes revues : des magazines parentaux qui expliquent pourquoi l'enfant doit dormir aux magazines pour personnes âgées qui vantent les mérites de la sieste postprandiale, en passant par la revue pour femme active qui nous persuade de bien dormir pour rester, le jour, une executive woman de renom, les media nous encouragent à nous "dorloter". Et tous les scientifiques de nous expliquer les bienfaits du sommeil :

- il permet d’évacuer tensions et fatigue
- il déclenche la sécrétion de l'hormone de croissance essentielle qui rend possible le renouvellement cellulaire, l'entretien des muscles, des tissus et des os.
- il stabilise notre équilibre mental par la régulation des rythmes biologiques de veille et de repos
- il nous ressource...


Bref, tout le monde le sait, avec un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité, le corps voit ses capacités physiques et intellectuelles diminuées. N'importe quelle mère de famille pourra témoigner du fait que son humeur et son efficacité diurne est bien mise à mal par les réveils nocturnes intempestifs ou par les nuits blanches pour cause de tétées - nez bouché - cauchemars - terreurs nocturnes - vomi - pipis au lit - sorcières dans le placard et un verre d'eau s'il te plaît!!!


Après la naissance de mon fils, j'ai sombré dans une grave dépression du post-partum qui faillit m'être fatale puisque, je l'ai déjà dit sur ce blog, elle me conduisit aux urgences psychiatriques après une tentative de suicide. Quelle était la cause principale de ma dépression? Le fait que mon petit garçon ne dormait que par phases de 15 minutes et pleurait le reste du temps sans cause physiologique déterminée. Le seul endroit où il ne pleurait pas c'était sur moi, ce qui explique que je l'ai porté en écharpe jusqu'à l'âge de trois ans et demi... Le manque de sommeil a provoqué chez moi une lente agonie : troubles de l'appétit, sentiment d'épuisement moral et physique, pertes de mémoire, troubles de la pensée et de la parole (inversion des mots, impossibilité de me rappeler le nom de choses simples...), paranoïa vis à vis de mes proches... bref, j'étais devenuee un zombie au sens propre et figuré.

Le manque de sommeil relève des méthodes de torture les plus simples et les plus ancestrales qui soient, longtemps utilisée sous les régimes Chilien et Soviétique dans les années 1940 à 1970. Si vous avez le temps (et le courage) de lire ces témoignages sur le site Human Rights Watch, défendre les droits de l'homme à travers le monde, vous comprendrez aisément à quel point le manque de sommeil, apparemment banal et simplissime, peut tuer un homme.

Alors une seule question me vient à l'esprit : pourquoi continuons-nous, de notre propre chef, à nous empêcher de dormir? Pourquoi nous infligeons-nous, seuls, cette torture latente?

Peut-être parce que, parallèlement à ce battage médiatique sur le sommeil, il existe une culture de l'activité et de l'efficacité qui enterrine tous les arguments en faveur du "bien dormir". Dans un monde qui fonctionne 24/24 h, est-il vraiment concevable d'autoriser les gens à "s'éteindre" vers 21 heures? Regardons autour de nous : les pompes à essence et vidéos-clubs sont accessibles la nuit par carte bancaire, les lumières de la ville et les magasins sont allumés toute la nuit, les hypermarchés ferment de plus en plus tard et organisent des "nocturnes" à des occasions comme Noël ou les soldes, les magasins virtuels sont accessibles à toute heure du jour et de la nuit par internet, la télévision et la radio émettent en continu, les transports urbains ont un service de nuit ainsi que les hotline, les usines ou les autoroutes... Avec les 3/8, la production des usines ne s'arrête jamais... Partout où l'on regarde, il y a toujours une infrastructure ou un morceau de ville en activité.

Dans un monde où l'on demande à un nourrisson de 15 jours de faire la différence entre le jour et la nuit, où l'on impose la sieste à l'école à des enfants dont on n'écoute toujours pas les besoins individuels, où l'on drogue les prisonniers et les personnes âgées dans les hospices pour qu'ils dorment un maximum, on prive paradoxalement l'essentiel de l'humanité de son besoin le plus élémentaire pour répondre à des cadences de productivité toujours plus importantes. Avouez qu'il y là une fois de plus un paradoxe évident et une faille écologique et humaniste.

Qu'inculque-t-on à nos enfants, aux futurs adultes? (on oublie toujours qu'un enfant va grandir...)

- que le sommeil c'est bon pour eux ("va te coucher", "dors maintenant!", "tu pleures, tu es sûrement fatigué"...) parce qu'après une bonne journée d'école et de jeux, il faut se ressourcer, et aussi parce que demain il y aura une autre bonne journée d'école et de jeux et qu'il faut la préparer mais surtout parce que c'est bon pour nous qu'il nous fiche la paix vu notre état de fatigue extrême après cette journée de merde au bureau...

- que nous, par contre, nous n'avons pas besoin de dormir et que les raisons sont nombreuses pour veiller, même si, à peine rentrés nous avons refusé une partie de Monopoly ou une balade à vélo, prétextant que nous étions "fatigués" par notre journée de travail. Mais nous, fabuleux robots du troisième millénaire, nous ne sommes pas comme ces petits êtres faibles que sont les enfants et nous n'avons pas besoin de nous reposer après notre
"bonne journée d'école et de jeux", nous préférons largement regarder la télévision ("ça détend"), lire jusqu'à plus d'heure ("ça instruit"), surfer sur internet ("ça amuse") ou faire les multiples tâches ménagères, repassage et consort ("ça ne peut pas attendre")

Bref, depuis toujours, il va de soi que, dans l'inconscient collectif, dormir c'est bon pour les jeunes enfants, les vieux et les malades. Un adulte vaillant, efficace et performant n'a pas besoin de sommeil.

J'ai toujours beaucoup dormi. Et j'ai toujours écouté mes besoins physiologiques, je veille peu, je m'accorde des siestes royales avec ou sans mes enfants et je suis capable de refuser une invitation à diner ou une sortie trop tardive pour m'accorder du repos quand je le ressens. De fait, j'ai souvent été pointée du doigt comme une "petite nature" voire une "fainéante".

Notre société a un vrai problème avec le sommeil. Pourtant, si nous acceptions d'aller dormir quand cela nous est nécessaire, si nous respections le rythme que notre corps essaie de nous imposer, nous pourrions éviter de nombreuses maladies, des dépressions, des sautes d'humeur et nous pourrions savourer l'existence avec plus d'entrain et de profondeur. Je suis ravie de voir que mes enfants n'ont jamais eu peur d'aller se coucher et qu'ils apprécient chacun de dormir comme ils aiment manger et jouer. En respectant leurs besoins naturels (très peu pour mon fils, énormément pour ma fille) j'espère leur avoir appris à se respecter et, de fait, à respecter la Nature.

Et je veux croire qu'en respectant notre fonctionnement interne, on puisse aussi accepter celui des autres. Accepter que les artisans aient le droit de dormir, que les magasins soient fermés après 19 heures, que tout ne puisse pas être accessible en fonction de nos caprices, que le repos est un droit pour tous. Dormir est aussi une bataille écologique pour un monde qui tournerait moins vite et permettrait à ses habitants de ne plus produire à contresens. Imaginez un peu l'économie d'énergie que représenteraient le fait d'éteindre les lumières de la ville, de cesser la production nocturne...

En attendant que le monde se remette à marcher droit, prenez soin de vous et de votre sommeil, pas pour toutes les belles raisons trouvées dans les magazines, mais simplement pour vous donner le droit de ne pas toujours être un actif.

Mais, à propos, pourquoi n'allez-vous pas vous coucher lorsque votre corps le réclame?

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Commentaires
L
dans une vie idéale, je me coucherais tard car je redouble d'activité et d'énergie après 20h et je me lèverais tard, enfin pas tant que ça, vers 9h peut-être. Et je ferai la sieste tous les jours. <br /> Mais voilà, j'ai un boulot qui m'occupe plutôt beaucoup, une petite fille débordante de vie, un blog, un mari, bref pas vraiment le temps d'écouter mon corps et mon rythme. <br /> Et malheureusement, je crois que c'est parti pour de très longues années comme ça ...
T
J'aime bien ce que vous dites de ce vol précieux du temps...Trouver des portes à double fond au temps, s'y aménager des couloirs bien à soi, des...<br /> "corps y dort", en quelque sorte...<br /> Le dire d'Aspen m'est plus mystérieux: quid de la volupté du dormir, quid du ressourcement par les rêves ?<br /> Il est vrai qu'à dormir peu, l'inconscient affleure, et fait la vie plus riche; une autre forme de clarté, moins sobre(comme l'on dit de qui boit).<br /> Amen.
Y
Pourquoi je dors si peu ? Peut-être pour avoir du temps pour rêver... <br /> Parce que j'ai besoin de plus que du métro, boulot, enfant, dodo.<br /> Parce que ce temps pour moi, rien que pour moi, m'est aussi indispensable que de boire ou manger.<br /> En parlant de torture, as-tu lu le Joueur d'Echec de Zweig ? C'est le récit d'un opposant politique emprisonné et dont la torture est d'être enfermé dans une pièce sans pouvoir lire, écrire, ou parler à quiconque. Il n'est sauvé de la folie que parce qu'il trouve un livre détaillant de grandes parties d'échec et il se met à jouer dans sa tête des milliers de parties différentes.<br /> Le boulot, la famille m'apporte beaucoup mais pas ce supplément d'âme que j'ai quand je peux faire ce que je veux rien que pour moi. Alors je sacrifie une partie de mon sommeil avec le prix que ça coûte... mais je n'ai pas vraiment le choix.
T
LU.
A
Eh oui...j'ai dit ça, et c'est toujours vrai. Je ne me couche pas pour tout un tas d'autres raisons... La liste est longue. Dans les raisons "positives" : le soir, je suis enfin seule, sans enfants, parfois sans mon compagnon, qui lui, se couche, et j'ai du temps pour moi, enfin. En plus, à ce moment-là, je ne me sens pas encore fatiguée. Je serais plutôt une couche-tard lève-tard, si cela était encore possible... (et j'ai deux enfants couche-tôt, lève très très tôt!) Je trouve aussi que le sommeil est une perte de temps... je relativise peu à peu ce point de vue : trop fatigué, on en fait plus rien de bien, et du coup, on perd aussi pas mal de temps. <br /> Dans les bonnes raisons "négatives" de ne pas dormir : c'est une bonne façon de se faire du mal, un genre d'autopunition, j'imagine. De plus, je vais déjà globalement plutôt bien, si en plus j'étais reposée ça friserait l'indécence. D'autre part, oui, j'ai peur de penser trop. Ne pas dormir est ce que j'ai trouvé de mieux pour ne pas avoir les idées trop claires. Et puis, à une époque, je ne supportais pas de rester dans mon lit à cogiter. Du coup, je ne me couchais que lorsque j'étais tellement épuisée que l'endormissement survenait dans la minute qui suivait la fermeture de mes yeux...<br /> Etre très fatiguée, parfois littéralement épuisée, me permet aussi de justifier mes échecs et mes ratages à mes propres yeux et à ceux de l'entourage... Oui, je n'ai pas réussi ce truc, mais si j'avais été reposée, j'aurais mieux réussi...
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