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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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10 décembre 2006

Cette violence qui nous habite

Nous parlons beaucoup ici de relation parents-enfants, de non-violence, d'écoute, etc.

Un certain nombre d'entre vous se sentent en difficulté lorsqu'ils lisent ces messages. Cela m'a donné envie de témoigner de mon propre cheminement par rapport à la violence..

Petite fille je me bagarrais avec mon frère, on se tapait dessus à l'occasion (surtout si ça pouvait faire enrager nos parents) mais globalement, je me méfiais déjà de ma violence, et en grandissant, j'ai souvent préféré m'enfermer dans les toilettes quand nos bagarres s'envenimaient plutôt que de m'énerver trop après lui.

Ado, j'ai décidé que j'étais résolument non-violente. Et contre les conflits.

Du coup j'ai accepté peut-être un certain nombre de choses que j'aurais mieux fait de ne pas accepter... En fait, j'étais plutôt pacifiste que non-violente... Car le non-violent accepte les conflits et moi je les fuyais, ayant trop peur de mes réactions.

Sur ce, sur le coup de 22 ans, je me retrouve, jeune instit stagiaire, dans une classe de maternelle (MS et GS) en ZUP avec des enfants pleins de vies... et d'énergie, et de violence pour certains.

Cela a été un cauchemar pour moi.

Petit à petit, l'ambiance de classe très bonne à mon arrivée, grâce à une institutrice formidable, s'est dégradée, tombant dans la violence et le chaos. Même les enfants « calmes » s'y mettaient, je ne contrôlais rien. J'étais dans un désarroi complet, ne sachant que faire, que dire, pour canaliser cette violence... Les enfants n'écoutaient plus rien, je n'arrivais plus à faire mes séances de « motricité » (sport), seule la lecture d'histoires ramenait le calme. Il arrivait qu'ils se battent en classe... Certains enfants, je le voyais bien, étaient terriblement en colère contre moi... Je criais, sans résultat, bien entendu, je m'énervais...

Le plus difficile à vivre pour moi, était le fait que je me sentais moi-même devenir terriblement violente. J'avais des accès de colère où j'en aurais bien pris un pour taper sur l'autre, je me sentais devenir une harpie. Heureusement, l'interdiction de frapper en tant que professionnelle était suffisamment bien ancrée en moi, ce qui fait que les dégâts ont été limités... Mais je dois avouer que j'ai donné une gifle à un môme qui en étranglait un autre (pas eu le temps de me contrôler sur ce coup-là, c'est parti tout seul) et que si je n'ai jamais insulté un enfant, à la fin de mon stage mon mode de communication fonctionnait souvent sur les cris et l'énervement.

Bref, un cauchemar.

J'étais totalement à la merci de ma violence intérieure. D'autant plus vulnérable, je crois, que je l'avais si bien réprimée, muselée, au lieu de l'accepter et de l'apprivoiser. Là, celle des enfants m'atteignait en pleine face et je la leur retournais avec ma force d'adulte avec mon pouvoir d'adulte. Je rentrais en classe comme sur un champ de bataille et c'était à qui emporterait la partie. Inutile de vous dire que ce n'était pas souvent moi qui l'emportait !

Heureusement, le stage n'a duré qu'un mois. J'ai mis 6 mois à m'en remettre et j'ai écrit mon mémoire professionnel sur... la discipline à l'école!!!

Après, j'ai fait un gros travail, avec un psy, sur cette violence que je découvrais, à ma stupéfaction la plus totale. Les choses se sont petit à petit tassées, j'ai fini par accepter mes envies de leur taper dessus... et elles ont nettement diminuées.

Quelques années plus tard, je suis devenue maman. Étant en admiration complète pour le fruit de mes entrailles, il s'est passé du temps avant que je ne m'énerve contre lui. Ça a commencé à être dur quand il a refusé de se coucher le soir. Plusieurs fois, épuisée, à bout de nerf, j'ai attrapé le gamin (deux ans, pauvre bout de chou) par ce que je pouvais pour le jeter en hurlant sur son lit... Il restait là, prostré, obéissant finalement... mais ne dormant pas plus. Il m'a fallu un moment pour comprendre et accepter, que s'il ne voulait pas aller se coucher à ce moment-là... c'est qu'il n'était pas fatigué. Et que mes pensées rigides sur ce qui devait être et ce qui ne devait pas être m'avaient empêché de voir mon fils tel qu'il était lui. Je pensais qu'il refusait de dormir pour m'em... alors qu'il n'avait tout simplement pas besoin d'aller se coucher à ce moment-là.

Je me suis fait horreur.

Comment pouvais-je faire ça à mon fils ? Celui pour qui j'aurais donné ma vie ?
Juste parce qu'il ne voulait pas dormir et que j'avais décidé qu'il était l'heure ?

Alors, j'ai commencé à lâcher des exigences que j'avais et qui ne tenaient pas la route pour moi, qui n'étaient pas suffisamment importantes pour que j'y mette autant d'énergie.

Et puis je me suis engagée à ne plus le violenter, jamais. Depuis, j'ai tenu.

Je lui hurle encore dessus, malheureusement, mais moins souvent. Maintenant, je suis capable dans l'immense majorité des cas de lui dire « je m'en vais parce que je risquerais de te faire du mal et je n'ai pas envie ». Je reviens quand je suis calmée... Le plus étonnant, c'est qu'il ne faut pas tellement de temps pour me calmer...

Je crois aussi que la violence est en nous et qu'elle nous vient d'autant plus facilement qu'on l'a subie enfant. Et qu'en ce qui me concerne, plus je suis fatiguée plus je suis prompte à la dégainer...

C'est un mode de communication bien trop fréquent... et si, comme toutes les langues étrangères, la non violence s'apprend, ce n'est pas sans peine, sans ratage, sans retours en arrière, sans difficultés de tous ordres... Mais ça s'apprend, j'en suis absolument sûre... en tout cas, j'ai l'impression de progresser tous les jours...(et qu'il me reste une sacrée marge de progression!!!)

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Commentaires
M
Yaël, ton message me fait rire et en même temps... c'est pas drôle ! Je m'y retrouve tout à fait, même si je ne vis pas sur un bateau :p<br /> Surtout ça : "Je n'arrive pas a imaginer qu'on puisse se calmer en 2 mn ! J'ai toujours l'impression qu'il me faudrait des heures de tranquilité !", pareil pour moi. Peut-être ne faudrait-il pas se laisser mettre dans de tels états et réagir (s'enfuir ?) avant d'être dans cet état de rage...<br /> En tout cas nos enfants ont le don pour nous faire sortir de nos gonds... je suis presque sûre que je ne me mettrais pas autant en colère si ce n'était pas ma fille mais un autre enfant qui faisait les mêmes choses... ça s'appelle une relation passionnelle ;-) !
Y
Ah ben t'as de la chance qu'il ne bronche pas ! Moi ca ne leur fait pas peur, en tout cas a mon fils, et du coup j'ai m'impression par moments que je pourrais le tuer sur place ! Parce que c'est exasperant quand on est enervee d'avoir le sentiment que l'autre ne fait pas cas de cette colere. Mais ce que je trouve d'interessant dans ton temoignage, c'est que tu dis que tu n'attends pas. J'attends peut etre trop. J'attends certainement trop. Et du coup, 2mn ne me suffisent pas du tout. Tu vas ou toi ? Simplement dans une autre piece ? Ou tu sors dehors ? Moi je n'ai pas d'autre piece. Ca veut dire que si je sors dehors, je les laisses tous seuls dans le bateau si leur pere n'est pas la. C'est pour ca que j'attends beaucoup, parce que ca ne me convient pas trop, et aussi parce que la plupart du temps je n'ai pas du tout envie de sortir, d'aller dehors, eventuellement sous la pluie, etc... J'ai aussi la flemme d'arreter ce que je suis en train de faire, de ranger tout ce qu'ils pourraient faire tomber, etc... Bref c'est pas trop cool. En plus mon fils monte sur les escaliers et hurle en m'appelant (coucou les voisins, c'est moi la mere indigne qui laisse mes enfants hurler tout seuls). Je peux aussi m'enfermer dans ma cabine, mais la il tape sur la porte au point que j'ai peur qu'il la casse, autant te dire que ca ne me calme pas du tout ! Tu fais quoi toi, pendant que tu t'isoles ? Je n'arrive pas a imaginer qu'on puisse se calmer en 2 mn ! J'ai toujours l'impression qu'il me faudrait des heures de tranquilité ! Ca tombe bien, j'ai un mois là :-)
A
Quand je suis énervée au point de dire à mon fils que je préfère m'en aller, il ne bronche pas... Je suis tellement énervée que je crois que ça lui fait très peur (autant qu'à moi) et comme par le passé je ne savais pas dire ça et je m'énervais vraiment... il attend que l'orage passe. En plus, je n'attends pas qu'il réagisse, je me sauve, littéralement. Et puis je reviens souvent assez vite. (dans les 2 minutes, 5 au pire).<br /> Mais c'est vrai que si c'est un moindre mal ce n'est pas la panacée. Ca doit être assez destabilisant pour un enfant de voir son parent se retrouver dans cet état là!
Y
Merci pour la phrase "je m'en vais parce que je risquerais de te faire mal et je n'en ai pas envie". J'ai deja pratiqué, mais ce n'était pas toujours formulé aussi clairement, ca tourne le plus souvent a "arrete de faire ca ou je m'en vais", ce qui n'est pas du tout pareil. Je réutiliserai tes mots. Ceci dit, mes enfants n'aiment pas DU TOUT que je m'en aille quand c'est la crise. Et ton fils, comment réagit-il dans ca cas là ? Le mien me suit s'il en a la possibilité, ce qui m'enerve encore plus ! Pas facile. J'ai expliqué apres coup a ma fille que je partais pour me calmer, ne pas leur faire de mal, et j'ai essayé de lui faire dire que c'était une meilleure ou au moins une moins pire solution. Pas moyen. A la question "qu'est-ce que tu preferes, que je parte un moment ou que je m'enerve et je risque de vous faire mal ?", la réponse est invariable "je prefere que tu restes et que tu ne nous fasses pas mal". Merci !
O
Je pourrais m'approprier la totalité du témoignage d'Aspen ; il m'a fallu bien des années pour dépasser ma peur du conflit et comprendre cette violence qui montait et que j'avais beaucoup de mal à assumer. Non seulement, je vous recommande vivement "Les mots sont des fenêtres", de Marshall-B Rosenberg mais également "À quoi sert l'autorité ?" de Véronique Guérin. Deux ouvrages qui m'accompagnent, m'aident et m'apprennent à aborder autrement les moments difficiles. Bonne lecture.
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