Cette violence qui nous habite
Nous parlons beaucoup ici de relation parents-enfants, de non-violence, d'écoute, etc.
Un
certain nombre d'entre vous se sentent en difficulté
lorsqu'ils lisent ces messages. Cela m'a donné envie de témoigner de mon
propre cheminement par rapport à la violence..
Petite fille je me bagarrais avec mon frère, on se tapait dessus à l'occasion (surtout si ça pouvait faire enrager nos parents) mais globalement, je me méfiais déjà de ma violence, et en grandissant, j'ai souvent préféré m'enfermer dans les toilettes quand nos bagarres s'envenimaient plutôt que de m'énerver trop après lui.
Ado, j'ai décidé que j'étais résolument non-violente. Et contre les conflits.
Du coup j'ai accepté peut-être un certain nombre de choses que j'aurais mieux fait de ne pas accepter... En fait, j'étais plutôt pacifiste que non-violente... Car le non-violent accepte les conflits et moi je les fuyais, ayant trop peur de mes réactions.
Sur ce, sur le coup de 22 ans, je me retrouve, jeune instit stagiaire, dans une classe de maternelle (MS et GS) en ZUP avec des enfants pleins de vies... et d'énergie, et de violence pour certains.
Cela a été un cauchemar pour moi.
Petit à petit, l'ambiance de classe très bonne à mon arrivée, grâce à une institutrice formidable, s'est dégradée, tombant dans la violence et le chaos. Même les enfants « calmes » s'y mettaient, je ne contrôlais rien. J'étais dans un désarroi complet, ne sachant que faire, que dire, pour canaliser cette violence... Les enfants n'écoutaient plus rien, je n'arrivais plus à faire mes séances de « motricité » (sport), seule la lecture d'histoires ramenait le calme. Il arrivait qu'ils se battent en classe... Certains enfants, je le voyais bien, étaient terriblement en colère contre moi... Je criais, sans résultat, bien entendu, je m'énervais...
Le plus difficile à vivre pour moi, était le fait que je me sentais moi-même devenir terriblement violente. J'avais des accès de colère où j'en aurais bien pris un pour taper sur l'autre, je me sentais devenir une harpie. Heureusement, l'interdiction de frapper en tant que professionnelle était suffisamment bien ancrée en moi, ce qui fait que les dégâts ont été limités... Mais je dois avouer que j'ai donné une gifle à un môme qui en étranglait un autre (pas eu le temps de me contrôler sur ce coup-là, c'est parti tout seul) et que si je n'ai jamais insulté un enfant, à la fin de mon stage mon mode de communication fonctionnait souvent sur les cris et l'énervement.
Bref, un cauchemar.
J'étais totalement à la merci de ma violence intérieure. D'autant plus vulnérable, je crois, que je l'avais si bien réprimée, muselée, au lieu de l'accepter et de l'apprivoiser. Là, celle des enfants m'atteignait en pleine face et je la leur retournais avec ma force d'adulte avec mon pouvoir d'adulte. Je rentrais en classe comme sur un champ de bataille et c'était à qui emporterait la partie. Inutile de vous dire que ce n'était pas souvent moi qui l'emportait !
Heureusement, le stage n'a duré qu'un mois. J'ai mis 6 mois à m'en remettre et j'ai écrit mon mémoire professionnel sur... la discipline à l'école!!!
Après, j'ai fait un gros travail, avec un psy, sur cette violence que je découvrais, à ma stupéfaction la plus totale. Les choses se sont petit à petit tassées, j'ai fini par accepter mes envies de leur taper dessus... et elles ont nettement diminuées.
Quelques années plus tard, je suis devenue maman. Étant en admiration complète pour le fruit de mes entrailles, il s'est passé du temps avant que je ne m'énerve contre lui. Ça a commencé à être dur quand il a refusé de se coucher le soir. Plusieurs fois, épuisée, à bout de nerf, j'ai attrapé le gamin (deux ans, pauvre bout de chou) par ce que je pouvais pour le jeter en hurlant sur son lit... Il restait là, prostré, obéissant finalement... mais ne dormant pas plus. Il m'a fallu un moment pour comprendre et accepter, que s'il ne voulait pas aller se coucher à ce moment-là... c'est qu'il n'était pas fatigué. Et que mes pensées rigides sur ce qui devait être et ce qui ne devait pas être m'avaient empêché de voir mon fils tel qu'il était lui. Je pensais qu'il refusait de dormir pour m'em... alors qu'il n'avait tout simplement pas besoin d'aller se coucher à ce moment-là.
Je me suis fait horreur.
Comment
pouvais-je faire ça à mon fils ? Celui pour qui
j'aurais donné ma vie ?
Juste
parce qu'il ne voulait pas dormir et que j'avais décidé
qu'il était l'heure ?
Alors, j'ai commencé à lâcher des exigences que j'avais et qui ne tenaient pas la route pour moi, qui n'étaient pas suffisamment importantes pour que j'y mette autant d'énergie.
Et puis je me suis engagée à ne plus le violenter, jamais. Depuis, j'ai tenu.
Je lui hurle encore dessus, malheureusement, mais moins souvent. Maintenant, je suis capable dans l'immense majorité des cas de lui dire « je m'en vais parce que je risquerais de te faire du mal et je n'ai pas envie ». Je reviens quand je suis calmée... Le plus étonnant, c'est qu'il ne faut pas tellement de temps pour me calmer...
Je crois aussi que la violence est en nous et qu'elle nous vient d'autant plus facilement qu'on l'a subie enfant. Et qu'en ce qui me concerne, plus je suis fatiguée plus je suis prompte à la dégainer...
C'est un mode de communication bien trop fréquent... et si, comme toutes les langues étrangères, la non violence s'apprend, ce n'est pas sans peine, sans ratage, sans retours en arrière, sans difficultés de tous ordres... Mais ça s'apprend, j'en suis absolument sûre... en tout cas, j'ai l'impression de progresser tous les jours...(et qu'il me reste une sacrée marge de progression!!!)