Le casse-tête du goûter
Une réflexion engagée avec une diététicienne dans notre école me pousse à réfléchir sur les goûters que nous donnons à nos enfants.
Suite à une directive du ministère de la Santé, beaucoup de réflexions s'engagent autour de la prévention de l'obésité. Je trouve qu'il est réducteur de parler seulement de l'obésité pour avertir des dangers des graisses et du sucre. D'abord parce que c'est cataloguer les personnes corpulentes comme des parias de la société, comme des exemples à ne pas suivre. On fait alors, sans le vouloir, l'apologie de la minceur et on développe chez nos enfants et nos adolescents des complexes de poids.
Les messages venant de toutes parts sont contradictoires : d'un côté on met en garde les parents sur les risques croissants de l'anorexie à l'adolescence, de l'autre on surveille les courbes de poids dès la naissance pour vérifier qu'ils ne "prennent" pas trop. D'un côté, on trouve des milliers de femmes complexées, malheureuses, allant jusqu'à se faire opérer pour ressembler à ces mannequins filiformes, de l'autre on trouve des publicités alimentaires à la pelle...
Enfin, je trouve que focaliser son attention sur l'obésité et répandre le discours "mauvaise alimentation = devenir gros" est tout simplement déstabilisant pour les enfants. Dire à son enfant de ne pas manger tel aliment pour ne pas grossir, c'est insidieusement lui dire que s'il devient gros, on l'aimera moins, ce qui peut avoir des conséquences psychologiques énormes.
Le discours sur l'alimentation devrait donc plutôt s'orienter sur les problèmes de santé plutôt que sur les problèmes de poids. En effet, comme nous ne sommes pas tous faits pareils, il y a aussi des personnes minces qui peuvent manger n'importe quoi sans grossir, est-ce à dire que celles-ci ont peuvent mal manger sans rien risquer?
Le gouvernement ne s'intéresse à la santé que sur le plan marketing, pour ne pas passer aux yeux des autres pays pour un pays de "gros". Je ne suis pas sûre, en revanche, que le discours de fond, soit vraiment la santé des concitoyens, sinon nos enfants ne mangeraient pas des pommes de terres lyophilisées et des susbstituts de fromage à la cantine.
Réfléchir sur le goûter c'est compliqué, car c'est pénétrer l'intimité des familles et c'est aussi interroger les rapports entre nourriture et amour. Beaucoup de choses se jouent dans la nourriture...
Imaginons la journée type d'un enfant type :
petit-déjeuner : jus de fruit industriel, céréales du commerces, lait = 81 % de sucre pour 100 g consommés
goûter de 10 heures : barre chocolatée ou 4 biscuits au chocolat ou 2 brioches fourrées = 75 % de sucre
déjeuner : plat principal avec ketchup, boisson sucrée (cola, orangeade...), crème dessert = 70 % de sucre
goûter de 16 heures à l'école: barre chocolatée ou 4 biscuits au chocolat ou 2 brioches fourrées = 75 % de sucre
goûter de 17 heures à la maison (pour la moitié au moins des enfants) : barre chocolatée ou 4 biscuits au chocolat ou 2 brioches fourrées = 75 % de sucre
dîner : plat principal avec ketchup, boisson sucrée (cola, orangeade...), crème dessert = 70 % de sucre
On voit bien dès lors combien la consommation de sucre est excessive sur la journée et comment l'enfant est amené à manger jusqu'à 6 fois par jour!
Le sucre blanc ou roux raffiné apparaît comme un poison pour les défenseurs de la santé alternative. Il réduirait les défenses immunitaires, provoquant des infections à répétition (tous ces petits maux de l'hiver notamment), il mettrait le corps régulièrement en état d'hypoglycémie, il créerait une dépendance égale à celle de la drogue ou de la cigarette, son assimilation provoquerait des lésions dans le système digestif...
Or, tous les produits cités dans le menu plus haut, contiennent des sucres raffinés donc dangereux pour la santé. D'autre part, en incitant nos enfants à manger jusqu'à 6 fois par jour, nous les conditionnons à utiliser la nourriture comme réconfort, passe-temps, nécessité sociale... et ne leur proposons plus d'écouter leur corps et de répondre à un signal d'alarme nécessaire à la survie : la faim.
Réduire la quantité de sucre consommée dans une journée me semble déjà une bonne piste, avant de supprimer le goûter lui-même. J'entends bien les parents dont les enfants se lèvent très tôt, ceux dont les enfants ne mangent rien au petit-déjeuner, ceux qui restent à la garderie après l'école. Ceux-là ont effectivement besoin de recharger leurs batteries au cours de la journée. Peut-être peut-on pour ceux-là réfléchir sur la qualité du goûter : fruit, galette de riz, tartine de pain, müesli dans une petite boite, fruits secs...
Pour les autres, comme mes enfants qui déjeunent bien le matin, il faut s'interroger sur la nécessité d'un goûter pris à 10h20, moins de 2 heures avant le repas suivant. Moi aussi j'ai "un petit creux" vers 11h00 mais souvent il est dû à une envie de manger plus qu'à la faim elle-même. Rien n'interdit alors de boire un verre d'eau, de prendre une pomme ou même un carré de chocolat (s'il est à plus de 70% de cacao)
Mais la plupart de nos enfants n'ont pas faim au goûter du matin, ils ont juste envie de manger des sucreries ou bien ils veulent faire comme les copains.
A l'école de ma fille, il y a toujours du pain à disposition de ceux qui ont oublié leur goûter. Rares sont les enfants, parmi les étourdis sans goûter, qui viennent en prendre. Rares sont les enfants qui ont réellement faim.
Interdire le goûter me semble compliqué et absurde car jamais une mesure aussi radicale ne peut prendre en compte toutes les individualités. Par contre, interdire une certaine forme de goûter ma paraît envisageable.
POur ce qui est de supprimer le sucre, cela ne signifie supprimer que les sucres raffinés, pas les sucres naturels.
Découvrez ou redécouvrez le miel, le sirop d'érable, le malt d'orge, le sucre brut ou rapadura. De nouvelles saveurs s'ouvrent à vous. Et un yaourt au sirop d'érable, je ne l'échangerais pas contre une crème dessert industrielle!