Marcher pieds nus…
Je
voulais vous faire part aujourd’hui d’un petit événement anodin… mais qui m’a
beaucoup fait réfléchir. Il est un peu en lien avec l’article d’hier sur la
sécurité. Voilà :
Ce
week-end, j’étais invitée chez des amis, au bord de la mer. Je n’avais emmené
qu’une paire de chaussure et le dimanche, elles me faisaient vraiment trop mal
aux pieds, j’ai donc décidé de m’en passer. Je marche souvent pieds nus, cela
ne me posait pas de problème.
Et
voilà-ti pas, qu’on part en promenade. Bon… alors, allons-y…
Là,
j’ai eu une révélation.
Le
monde avait une texture, le monde existait pleinement, le monde était
incroyablement riche de sensations variées, bien plus grand que ce que j’en
connaissais.
Comment
vous dire… C’était vraiment de l’ordre du ressenti, c’est donc difficile à
partager, mais ce que je trouve intéressant dans ce que j’essaie maladroitement
de vous raconter, c’est la richesse des sensations qu’il y avait, là, sous mes
pieds. Il faut dire aussi que nous avons marché sur des textures différentes :
sable, rochers, algues, mousse en sous bois, herbes drues, terre, route
gravillonnée, route goudronnée, flaques sur la route, flaques entre les roches,
rochers lissés par la mer, feuilles…
J’ai
eu l’impression que j’ignorais tout du monde. Je veux dire par là que je ne
connais le monde que par ma vue, mon ouïe, mon odorat, mais que mon sens du
toucher (sans parler du goût) est notoirement sous utilisé. (et pourtant, il m’arrive
de marcher pieds nus… mais toujours au même endroit !)
A
force d’être en boite, dans des maisons, des voitures, des chaussures, des
habits, on se coupe de l’extraordinaire richesse du monde.
Ça
me fait penser à une phrase lue il y a
longtemps dans un livre intitulé « Message des hommes vrais au monde
mutant » et qui disait en substance ceci : « combien d’hommes de
nos jours vont mourir sans jamais avoir senti la pluie sur leur peau
entièrement nue ? ». Beaucoup, sans doute, et j’espère ne pas en
faire partie, mais il va falloir que je me dépêche car je n’ai pas encore vécu
cette expérience.
On
ignore totalement le monde « naturel » dans lequel on vit. On ne
connaît rien ou presque de la pluie, du vent, de la morsure du froid, de la brûlure
du soleil, du piquant des orties, du chatouillis des cailloux, … On ne se sert
plus de notre toucher, ni pour toucher les choses, ni pour toucher les gens… Et
les choses qu’on touche quand même sont toutes fabriquée de la main de l’homme,
c'est-à-dire qu’elles sont en décalage avec le monde « vrai » qui est
dehors et nous attend.
On
n’existe qu’un peu. Un tout petit peu.
Alors
que le monde dans lequel nous avons la chance de vivre est riche d’une infinité
de textures, de sensations, de goût, d’odeurs… et non, il n’est pas toujours
doux et lisse, mais il faut prendre le risque de se piquer les pieds pour
pouvoir apprécier la douceur de la mousse. Il faut prendre le risque d’avoir
froid dans la flaque pour constater par contraste que la pierre juste à côté a
été réchauffée par le soleil et que c’est incroyablement bon de poser son pied
dessus et de le laisser, juste quelques secondes, avant de reprendre sa route.
Même
en pique-nique, les gens emmènent maintenant leurs tables et leurs chaises.
Mais il faut s’asseoir par terre pour voir les fourmis qui partent avec les
miettes de notre repas. Ou chercher une pierre, ou une souche pour se rendre
compte que le monde n’a pas l’uniformité qu’on lui suppose. Oui, le monde dans
lequel nous croyons vivre est uniforme, il y a le même supermarché dans chaque
ville de France et le même MacDo ici qu’en Chine… sauf que les cailloux, eux,
sont tous différents et que vous ne trouverez pas deux fois le même bâton pour
jouer, ni deux fois la même sensation en marchant pieds nus… Vous ne verrez pas
deux feuilles parfaitement identiques… et tant que vous le « savez »
sans l’avoir « expérimenté » vécu dans votre corps, vous ne le savez
pas.
En
fait, voilà, je crois, ce que je voulais vous faire partager : que le
monde n’est pas monotone, ennuyeux, lisse… non, il est plein de reliefs, de
couleurs, il est d’une richesse proprement hallucinante… pour peu qu’on prenne
le risque d’aller à sa rencontre, pour peu qu’on laisse de côté, au moins de
temps en temps, nos armures, quelles qu’elles soient.
Bonne
journée à vous…