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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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Bio-Blog, chroniques de deux consommatrices repenties
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22 septembre 2006

La société est une commode à tiroirs multiples

Dans la droite ligne du message d'hier, je crois qu'il est bon de s'interroger aussi sur notre habitude à catégoriser tout ce qui nous entoure et à conséquemment juger les gens en fonction des catégories dans lesquelles on les enferme. On le fait tous, consciemment ou non, volontairement ou pas, on passe notre temps à classer les choses, les gens, les idées.

On apprend dès tout petit à ranger ses cubes par couleurs ou par formes, à trier ses chaussettes pour éviter qu'elles traînent avec les culottes. Lycéen, on classe les articles indéfinis d'un côté et les symboles chimiques de l'autre.

Plus tard, dans l'assiette on sert les légumes à droite et les féculents à gauche, chaque chose trouve sa place dans notre maison et parfois dans notre vie. C'est plus pratique pour s'y retrouver (et ce n'est pas l'animatrice du groupe des RV qui pourra dire le contraire!!)

Je vois trois dérives à cette capacité à structurer le monde :

1/ la première c'est que nous jugeons forcément les gens qui sont en face de nous, on crée instinctivement des clans, des genres qui cristallisent les individualités. C'est ainsi qu'on parle des "jeunes", des "vieux", "des blancs", des "noirs", des "cathos", des "ripoux" ...

2/ la deuxième, c'est qu'inversement, on est nous-même jugé et classé dans un genre qui ne nous ressemble parfois pas du tout. On peut souffrir alors d'être étiqueté, surtout quand on ne se reconnait pas dans la catégorie à laquelle les autres nous font appartenir.

3/ la dernière, qui me concerne directement, c'est quand on est inclassable. Ou plutôt quand on est classable selon la personne qui nous classe. Je m'explique : j'aime beaucoup l'expression populaire qui dit "On est toujours le con de quelqu'un". La façon dont on est perçu dépend complètement des a priori de l'autre et de la catégorisation qu'il a mise en place dans son schéma de pensée. De fait on peut être vert pour les uns et rouge pour les autres. Ainsi, selon les gens que je rencontre, je suis simultanément perçue :

- par les familles très modestes comme une bourgeoise parce que j'habite une belle maison dans une ville réputée pour son chic et son traditionnalisme. On me confond alors avec tous ces gens hautains qui méprisent leur voisin parce qu'il est RMiste. Et on croit que je vote à droite.

- par les familles aisées comme une fauchée parce que nous vivons à 5 avec 2500 euros par mois (l'équivalent de 2 SMICS). On me confond alors avec Cosette. Et on croit que je vote à gauche.

- par les mères au foyer comme une bosseuse courageuse parce que j'ai repris mes études après 10 ans d'interruption, en parallèle de mes enfants et d'un boulot à temps partiel. On me prête alors une intelligence et une capacité d'organisation hors du commun.

- par les carriéristes et les chefs d'entreprise comme une fainéante instable et immatûre parce que le travail ne sera jamais ma priorité et que je refuse de travailler plus de 15 heures par semaine. On me reproche alors d'être une assistée et de profiter de l'argent de l'Etat (moi qui ne touche rien d'autres que les allocations familiales, exactement comme ces gens riches, puisque les AF ne sont pas soumises à condition de ressources)

- par les consommateurs comme une écolo pure et dure pour toutes les raisons que vous connaissez. On croit alors que je mange des graines d'oiseau, que je ne me lave pas et que mes enfants mènent une vie bien triste

- par les écolos comme quelqu'un qui n'en fait pas assez parce que je n'ai pas de toilettes sèches par exemple. On croit alors que je suis une "belle parleuse"

- par les non-croyants comme une catho coincée et intolérante parce que je m'engage dans des actions au sein de ma paroisse et que la religion est importante pour moi. On suppose alors que je milite contre l'avortement, que je soutiens les propos du pape et que je refuse les libertés sexuelles

- par les croyants comme une pestiférée parce que j'ai épousé un homme divorcé, père de famille, parce que je milite pour le mariage et le droit à l'adoption des homosexuels et parce que je ne vais pas à la messe tous les dimanches.

- par les plus vieux comme une jeunette parce que j'ai 31 ans

- par les plus jeunes comme une vieille parce que je suis mariée avec un homme de 17 ans mon aîné

Bref, vous voyez par ces exemples, combien une seule et même personne peut être jugée de façons radicalement opposées, selon qui elle a en face d'elle. Le problème, c'est qu'on se sent alors rejetée de la société puisqu'on a le sentiment de n'avoir nulle part sa place.

"La vie est motion", dit Isabelle Filliozat, et je suis multiple. Je pense qu'il n'y a pas plus grand danger que l'extremisme et les certitudes. Je suis effectivement une fauchée habitant dans une maison de bourgeoise, une bosseuse instable, une écolo en progrès, une catho ouverte et moderne, une jeune évoluant dans un monde plus vieux.

Ce qui dérange, finalement, c'est que lorsqu'on laisse tomber les catégories, lorsqu'on ouvre les frontières aux autres modes de pensée, on laisse aussi fatalement tomber les conflits, les oppositions, les discours tranchés. Or les hommes aiment former des clans pour s'opposer les uns aux autres et légitimer leurs guerres de territoire.

On se retrouve toujours dans les mêmes conflits : pauvres/riches, chômeurs/travailleurs, salariés du privé/fonctionnaires, hommes/femmes, écolos/consommateurs, profs/élèves, cathos/musulmans, racistes/gens de couleurs, jeunes/vieux, valides/handicapés....

Si on acceptait 5 minutes de n'appartenir à aucune catégorie ou d'appartenir à toutes à la fois, on laisserait l'opportunité à chacun de s'affirmer tel qu'il est et d'être respecté dans son individualité. On accepterait alors aussi de fonder une société basée sur les compétences de tous, la sensibilité de chacun où un par un, nous trouverions une place voire des places qui nous épanouiraient.

Peut-être pouvons-nous commencer par nous abstenir de coller une étiquette sur le dos de ceux que nous rencontrerons maintenant.

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Commentaires
N
arghhh, j'ai écrit "inscite" au lieu de "inscrite" puis "nautre" au lieu de "nature" et il y a un point qui se ballade. --> ne pas se laisser envahir par les sentiments et écrire à la hâte --> contrôler sa nature et faire un brouillon !
N
Je crois que cette façon de catégoriser les choses doit être inscite dans notre cerveau depuis très longtemps. J'ai lu que des pré-humains (Homo habilis ? Homo erectus ? me rappelle plus ) collectionnaient des coquillages et les classaient en petits tas<br /> . Ce qui en plusieurs millions d'années peut servir à différentes choses allant du tri des legos à la compréhension d'un tableur du type "excel" était sans doute destiné à nous sauver la vie il y a très longtemps. Ne pas confondre un lapin, mangeable (je ne suis pas végétarienne), avec un lion, mangeur. Mais notre cerveau est une machine complexe qui nous donne la possibilité de nous opposer à la nature (Zoup, là vous ne me classez plus dans la case écolo). Ce qui nous a amené à faire pas mal de bêtises (ah, là vous m'y remettez un pied). Nous pouvons dire non. Même à notre propre nautre. C'est une chance. Alors prenons-là et chacun, moi la première, évitons de classer les gens hâtivement.
M
Isolde, même boulot, même combat ;-)<br /> La bibliothécaire est une intello, elle a d'ailleurs lu tous les livres que contient sa bibliothèque :-D j'adore ce genre de cliché !<br /> <br /> Blague à part, merci une fois de plus pour cette réflexion très riche... et je pense aussi que nous avons parfois besoin de nous catégoriser nous-mêmes, ça donne l'impression d'appartenir à un groupe et c'est rassurant...
I
...me suis jamais posé la question... :$<br /> Mais dans mon boulot, je catégorise, c'est sûr. Et ça m'aide à identifier le besoin, en 2 temps-3 mouvements : la dame, là, elle va être plus intéressée par la cuisine que par la philo, ben voilà c'est écrit sur elle qu'elle n'a pas fait d'études... Je ne la juge pas, hein : je constate que je devrai lui apporter une autre réponse que la personne précédente ou la personne suivante. C'est pas "bien" ou "mal", c'est juste différent.<br /> Moi on me catalogue bien comme "la bibliothécaire" :o(<br /> Et parfois on a des surprises... :o)
A
lol... perso maintenant j'en vois partout, même chez mon petit homme, chez qui je n'en voyais aps au début !
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