Comment s'acheter une conscience grâce à l'écologie?
Parce que le discours écolo commence à porter ses fruits, parce qu’il semble que l’avenir de notre planète intéresse suffisamment de gens pour que lui soit consacré un ministère, parce que les jeunes parents sont soucieux de l’avenir de leurs enfants, parce qu’enfin les publicitaires et marketeurs de tout poil y voient une niche commerciale alléchante, nous somme entourés de messages et d’actions à caractère écolo.
Sous couvert de protéger l’environnement, bon nombre de firmes font des choux gras de notre intérêt pour l’écologie. Ainsi, plutôt que de proposer à ses clients des sacs bio-dégradables, les grandes surfaces préfèrent vendre des sacs recyclables. Outre le fait qu’elles s’enrichissent sur le dos des consommateurs et qu’elles savent, comme d’habitude tirer leur épingle du jeu, je doute que la formule ait un effet réel sur la diminution de la pollution :
d’abord parce que les étourdis qui ont oublié chez eux les fameux sacs se voient obliger d’en racheter, augmentant ainsi la fabrication de sacs plastiques, ensuite parce que rares sont ceux qui pensent ou ont le temps de ramener les sacs usagés pour se les faire rembourser 10 centimes pièce…
D’autre part, ceux qui avant, utilisaient les sacs plastiques comme sacs poubelles doivent aujourd’hui acheter ces derniers, déplaçant simplement le problème de la pollution. Les pollueurs riches, quant à eux, ne se soucieront pas plus de jeter dans la nature un sac plastique à 15 cents qu’un sac gratuit…
Je ne dis pas que la volonté de diminuer la distribution de sacs plastiques aux caisses n’a pas un impact mais je pense qu’il n’est pas aussi important que l’on veut bien le démontrer et je pense surtout que les grandes surfaces sont bien contentes d’avoir trouvé un nouveau filon pour s’en mettre plein les poches sous des allures de générosité pour les générations à venir. Si elles avaient vraiment souhaité réfléchir à un concept écologique et non à un concept financier ; elles auraient travaillé sur :
- les rayons frais, en remplaçant tous ces congélateurs et frigos ouverts par leurs équivalents fermés, diminuant ainsi la consommation d’énergie par deux ! (le problème c’est que c’est surtout leur chiffre d’affaires qui diminue..)
- les multi-conditionnements entre le moment où l’article quitte la fabrique et arrive dans les rayons : chaque jour, rien que pour les fruits et légumes, ce sont plusieurs tonnes de cartons qui sont jetées à la poubelle
- des fruits et légumes de la région, cueillis à maturité, et de saison. Je ne suis pas contre la grande surface en tant que grand marché, je suis contre l’esprit de gâchis
- les réductions de prix sur des produits de qualité plutôt que d’inventer leur marque discount dont il vaut mieux ne pas lire les étiquettes de composition
- et bien d’autres choses encore…
On pourra alors constater qu’il y a, au sein de la toile biologique les mêmes manipulations du consommateur, juste par souci du profit. Ainsi, la responsable de la biocoop, auprès de qui je m’étonnais de voir des frigos ouverts, m’affirma que son chiffre d’affaires baisserait de 20% si elle les fermait.
De même, alors que je m’étonnais de voir des tomates au mois de mars sur l’étal du maraîcher bio, celui-ci m’informa qu’elles venaient d’Israël. Devant ma grimace, il s’empressa de dire : « Mais elles sont BIO ! »
Je m’en fous. Elles peuvent être plus bios que bio, je n’achèterai pas de tomates au mois de mars. Point barre. Je ne mange pas bio par snobisme, par unique souci pour ma santé ou pour m’acheter une conscience, je mange bio par respect pour la terre et par combat politique. Si mes tomates bio ont dû parcourir 3000 kms et dépensé des milliers de litre de pétrole avant d’arriver dans mon assiette, elles sont tout aussi polluées que les autres.
Ainsi je ne supporte pas de voir à la biocoop des denrées venant de loin lorsque je sais qu’un producteur de ces produits habite pas loin de chez moi.
Une chose qui m’énerve particulièrement sont tous les produits de beauté dont on nous vente les bienfaits pour le corps et pour la nature. Prétextant n’utiliser que des produits naturels, on nous persuade que ces produits sont écologiques, même s’ils n’en portent pas le label. Peut-être un peu moins chimiques que les autres mais tout aussi destructeurs : je pense au déodorant à base de papaye du Brésil, de crème à l’aloé vera d’Amazonie ou à d’autres substances récoltées dans le monde entier. Pourquoi ne pas plutôt utiliser des crèmes faites avec des produits de chez nous ? Je pense à la marque CAUDALIE qui utilise le raisin de nos régions ou à la marque LUSH qui utilise des fruits et des légumes, pourquoi ne pas utiliser les plantes qui vivent chez nous et dont les bienfaits sont démontrés plutôt que d’aller bousiller la forêt amazonienne, le poumon vert de la planète, à la recherche de la substance BIO qui fait des miracles ?
Le bio, ce n’est pas une question de label, c’est une question de mode de vie. Une idée reçue sur le bio consiste à dire que « c’est un sport de riche ». C’est vrai si l’achat des produits bio se fait juste par snobisme. C’est faux si c’est tout un état d’esprit bio qui se met en place chez nous.
Etre bio par snobisme consiste à : (exemples tirés de la réalité de voisinage)
- ne manger que des produits achetés à la biocoop ou chez le maraîcher bio mais conserver une vieille chaudière électrique hors-normes dont on se soucie peu de la consommation puisque Chéri travaille à EDF
- acheter des produits de beauté bio à base de fleurs ou de plantes arrachées à des pays lointains et visiter ces mêmes pays en prenant chaque jour, dans des grands hôtels, des bains équivalents à ce qu’il faut pour arroser ces mêmes fleurs et plantes pendant un mois
- utiliser des couches bio pour des enfants et se ruiner en jouets en plastique Made in China pour Noël (ou les emmener au Mac Do et leur offrir le jouet crétin fabriqué par des enfants, qui, eux, doivent économiser sur leur salaire pour pouvoir l’acheter à Mac Do…)
- acheter des fringues en coton bio parce que c’est fun mais changer de garde-robe tous les mois parce que « ce que je préfère dans la vie, c’est consommer ! »
- prendre deux ou trois tablettes de chocolat équitable à la grande surface et ne pas soutenir l’économie locale en n’achetant que des produits importés…
- cotiser à Greenpeace et ne pas regarder comment on remplit son caddie (entre les produits exclusivement des grands groupes et les goûters en pochettes individuelles, glisser deux ou trois produits ménagers différents, rien que pour la lessive quotidienne) ou ne pas remarquer qu’on laisse couler l’eau à gros bouillons pour laver une tasse ou les mains d’un enfant
- verser chaque année 500 euros aux associations caritatives et investir dans des appartements minuscules dans des régions qui rapportent (genre Paris) pour y entasser des cas sociaux, défiscalisation oblige
etc…etc…
Je suis loin d’être une écolo qui peut donner des leçons aux autres, je suis encore trop souvent engluée dans mes paradoxes, mes doutes, mes impossibilités. J’ai encore acheté un livre cette semaine alors que j’aurais pu l’emprunter à la bibliothèque, j’ai encore fait mes courses à Leclerc cette semaine, j’ai récemment eu trop souvent recours à ma voiture pour des trajets que j’aurais pu faire en vélo et j’ai claqué de l’argent chez IKEA dans des objets faits en Thaïlande, je ne suis pas parfaite.
Mais en aucun je ne porte une bannière BIO en bandoulière comme une immunité qui m’achèterait une conscience. Ce n’est pas parce que j’ai mangé bio cette semaine que j’ai le droit de me reposer sur mes lauriers et d’arrêter mon travail de décroissance et de réflexion.
Le respect de la Nature et d’Autrui, ça ne se trouve sous aucun label et sur aucun étal. On n’achète pas sa conscience et sa grandeur d’âme.
Pour moi, le bio est un état d’esprit, une sorte de philosophie du Zen et du respect de toute vie et de toute chose sur Terre, un vrai pas vers la liberté intérieure et l’autonomie. Ce bio là, qui ne demande pas de besoins financiers particuliers c’est :
- consommer local (pas plus loin que nos frontières de préférence) le plus possible. Et un maximum de choses : la nourriture mais aussi les boissons, les jouets, les vêtements, les meubles, la déco, le sport, les spectacles…
- réduire sa consommation de tout : énergie, eau, drogues, matériel, nourriture (surtout viande), plaisirs éphémères payants (restos, spectacles…)
- être le plus possible autonome : tricoter, faire sa nourriture, fabriquer des meubles et des jouets, récupérer l’énergie pour se la redistribuer, coudre…
- se libérer de l’esclavage de l’argent et du travail : dépenser moins (cf. les articles sur la Simplicité Volontaire) donc avoir moins besoin d’argent donc travailler moins pour un jour enrayer cette course folle vers toujours plus d’échanges commerciaux et de consommation.