« Obéis-moi, et vite ! »
Les questions concernant l’obéissance des enfants ou, en l’occurrence leur désobéissance, sont probablement parmi les plus délicates et difficiles pour les parents. Puisqu’en tant que parent nous avons à accompagner au mieux nos enfants pour qu’ils puissent devenir des adultes responsables et à peu près bien dans leurs baskets (du moins, c’est ainsi que j’envisage mon rôle), n’avons-nous pas aussi à leur imposer un certain nombre de comportements et pour cela à les faire obéir ?
La question de l’obéissance peut s’étudier sous deux angles :
- comment faire obéir les enfants ? Autrement dit, les moyens à
disposition des parents pour arriver à leurs fins (car appelons un chat
un chat, c’est bien de cela dont il s’agit…)
- pour quoi (et pourquoi) faire obéir les enfants ?
Commençons par le comment, c’est peut-être le plus facile.
Les parents
ont à leur disposition en gros, deux types de moyens pour cela : la
force et la manipulation.
- la force. On contraint l’enfant en le menaçant de punition au cas où
il n’obtempèrerait pas. On crie ou frappe si besoin pour obtenir le
comportement souhaité. On peut aussi faire faire par la contrainte
physique : porter dans sa chambre un enfant qui ne veut pas y aller,
lui mettre la cuillère de force dans la bouche, s’asseoir sur lui pour
qu’il ne se débatte pas…
- la manipulation. Il y a des formes de
manipulations plus ou moins subtiles ou perverses. Une forme « douce »
consiste par exemple à convaincre l’enfant que ce qu’on attend de lui
va lui être aussi agréable, (vient on va jouer à ranger !) puis vient
le chantage (« si tu veux aller à la piscine, tu ranges ta chambre »)
et enfin, le chantage affectif (« je n’aime pas les enfants qui ne
rangent pas leur chambre comme il faut. ») qui met l’enfant dans une
grande situation d’insécurité. (Si par son comportement il risque de
perdre l’amour de ses parents, chaque action devient potentiellement
dangereuse. )
(Liste non exhaustive !)
Evidemment, de voir à quelles extrémités nous sommes capable d’aller pour faire faire à un môme ce que nous avons décidé qu’il devait faire nous amène à réfléchir sur un plan plus large aux raisons qui nous poussent justement à exiger de nos enfants ce qu’on exige d’eux… parce que visiblement, d’eux-mêmes ils ne le feraient pas. (Ou pas comme ça, ou pas à ce moment-là…)
Je vous encourage si vous avez des enfants à examiner de près les
raisons qui vous motivent à (au hasard… vous pourrez faire votre propre
liste)
- lui demander de s’habiller de telle ou telle façon
- aller se laver maintenant
- ranger ses jouets
- dire bonjour
- mettre son manteau
- finir son assiette
- …
Quelques hypothèses à creuser :
- Dans quelle mesure le regard des
autres vous motive-t-il ? (Que va-t-on penser s’il met son pantalon à
rayure avec une chemise à carreaux ?, Que va dire ma mère s’il chipote
ce qu’il trouve dans son assiette ?)
- Dans quelle mesure le forcez-vous « pour son bien » ? (et dans ce
cas-là, êtes-vous vraiment mieux placé que lui pour savoir s’il a
encore faim, ou assez chaud ?)
- Dans quelle mesure enfin le
faites-vous pour ne pas « céder » ? Pour arriver à vos fins et garder
le pouvoir ? (après tout, c’est humain, nos enfants sont les seules
personnes sur lesquelles nous avons, pendant quelques années au moins,
un ascendant total. Ils sont, littéralement, à notre merci… et ne
rendent pas les coups !)
- Ou alors vous le forcez « pour lui apprendre
» ? (C’est en rangeant qu’on apprend à ranger… à moins qu’on apprenne à
détester ça ! C’est en faisant ses devoirs qu’on retient quelque chose.
Essayez pour voir de vous souvenir du dernier truc qu’on vous a fait
apprendre de force !)
- Le faites-vous pour sa sécurité ? Et si oui,
vos craintes sont-elles rationnelles ? Si elles ne le sont pas, ne vous
flagellez pas pour autant, nous avons tous des craintes irrationnelles,
le tout, à mon sens est d’expliquer clairement à l’enfant « j’ai peur
de ça, c’est peut-être sans raison, mais je ne veux pas que tu le
fasses… »
- Ou, enfin, voulez-vous à tout prix faire obéir votre enfant pour
qu’il
soit « sage » ou « gentil »… ?
Isabelle Filiozat dans l’un de ses livres, affirmait que les français sont obéissants jusqu’à la nausée… En apprenant à obéir, il est bien possible que nos enfants finalement n’apprennent qu’à être obéissants et dociles… en un mot bien soumis à l’adulte aujourd’hui et à toute forme d’autorité demain. L’obéissance se conçoit bien dans l’armée (au moment où, en temps de guerre, le colonel lance un ordre, il vaut mieux obéir sans réfléchir…) moins quand on espère aider nos enfants à réfléchir dans la vie, à questionner l’autorité (pas systématiquement, non, mais de façon à ne pas obéir aveuglément à des lois injustes) etc.
Peut-être avez-vous
entendu parler de cette expérience terrifiante menée il y a quelques
années…
Des chercheurs prétendaient tester la capacité d’individus à
apprendre. Des gens comme vous et moi devaient leur envoyer une
impulsion électrique si les prétendus cobayes se trompaient, et
l’impulsion augmentait en intensité à chaque nouvelle erreur. Les
courants allaient de « très faible » à « mortel » en passant par « très
douloureux » etc.
En vérité, ce qui était testé n’était pas la capacité
d’apprentissage, car les « apprenants » étaient des comédiens payés
pour simuler la plus ou moins grande douleur des chocs électriques,
mais la capacité des gens à refuser un ordre quand il leur paraissait
injuste. En effet, parfois les apprenants (les comédiens) suppliaient
les gens de cesser l’expérience, de ne plus leur envoyer d’impulsions…
mais les chercheurs en blouse blanche, représentant donc l’autorité,
leur demandaient de continuer…
Le nombre de gens qui sont allés jusqu’à
« douleur insupportables » voire jusqu’à « mortel » est hallucinant. Je
ne me souviens plus des chiffres mais il me semble que c’est de l’ordre
du 80% !
Je frémis en pensant que j’aurais probablement fait partie de
ceux-là. Moi aussi je suis une gentille fille bien obéissante qui fait
ce qu’on me dit, parce que c’est bien, parce qu’une figure d’autorité
me le demande. Je finis mon assiette même quand je n’ai plus faim parce
qu’on m’a appris à ne pas gâcher (est-ce gâcher que de finir au repas
suivant ?) et oblige encore mon fils à faire des choses que je réprouve
parce que ça se fait…
Mais maintenant, quand même, je commence à me méfier du dogme de
l’obéissance. (si vous n’êtes pas encore convaincu, pensez à tous ces
bons fonctionnaires bien obéissants qui pendant la seconde guerre
mondiale n’ont fait que leur devoir… )
Cet article est un peu long et
un peu brouillon, mais je souhaite quand même le poster aujourd’hui. Je
l’améliorerai en fonction de vos remarques et préciserai ce qui n’est
pas clair si besoin ; de toute façon, ce sujet est tellement vaste que
j’y reviendrai et Cherry Plum aussi probablement.
Bonne réflexion à vous...