De la fatigue
Je suis fatiguée depuis 15 ans. Je ne suis pas dépressive, je ne suis pas malade, je ne suis pas anémiée. Non, je suis juste fatiguée. Je ne mène même pas une vie de dingue, courant à gauche à droite du matin au soir pour réussir à faire tenir une double journée en 24 heures. (enfin, en temps normal, si, depuis mon congé parental, ce n’est plus le cas). Simplement, je ne me couche pas quand je suis fatiguée et je fais la sourde oreille aux signaux de mon corps les plus évidents.
Je
vais bien être obligée, surtout maintenant que je commence un tout
petit peu à accepter de me reposer (cf : j’ai le droit de…) de me poser
sérieusement la question : quel est l’intérêt de ne pas être reposée ?
Et par extension, pour ceux qui ne se sentent pas concernés par ce
message, l’intérêt d’en faire trop, de ne pas déléguer, de courir sans
cesse… ?
J’en vois plusieurs :
- se plaindre. En faire trop semble nous autoriser à geindre. Du style
« avec tout ce que j’ai fait aujourd’hui… » or, personne ne nous oblige
à faire tout ce qu’on fait sinon nous même. Et si on ne fait pas ce
qu’on fait pour soi, on tombe dans des travers dangereux où l’on se met
à en vouloir aux autres pour ce qu’on fait pour eux…
- éviter de
s’interroger, s’empêcher de penser. Faire trop de choses, ou être trop
fatigué, permet d’éviter des questions dérangeantes comme par exemple
les questions sur le sens de ce que l’on fait, le sens qu’on voudrait
donner à sa vie, la direction générale qu’on souhaiterait prendre. Le
nez dans le guidon, tout retour sur soi est presque impossible et en
tout cas très difficile. Etre tout le temps fatigué rend les pensées
beaucoup moins nettes et tranchantes. Du coup, ça fait moins mal… du
moins, c’est ce qu’on se dit. La fatigue, à un certain point, vous rend
groggy.
- se limiter. Nous avons tous un côté créatif qui sommeille. Certains
sont doués pour la couture, d’autres pour le dessin. Certains sont des
cordons bleus d’autres des conteurs nés… Mais comment trouver le temps
et l’énergie de s’y mettre… ? Et si en fait, nous avions surtout peur
de nous y mettre, peur d’échouer, peur d’être ridicules… ? Si en fait,
cela faisait bien moins peur de ne rien faire du tout… mais que ne
pouvant pas l’assumer à nos propres yeux nous ayons besoin d’une ou
plusieurs excuses… ? (avec la vie que je mène, avec ma fatigue, tu
comprends…)
- se rendre indisponible. Avoir un emploi du temps bétonné interdit de
saisir les opportunités qui se présentent. De même, être trop fatigué
n’autorise pas à être pleinement disponible pour l’autre. Si votre
conjoint a un coup de calgon à 23h et que vous tombez de sommeil, vous
vous endormirez pendant qu’il vous narre ses états d’âmes… (ça m’est
arrivé, le lendemain, je ne me souvenais plus de quoi il m’avait parlé…
et je n’en étais pas très fière !)
- …
Allez, je vais me refaire une petite séance de mantra… « j’ai le droit de me reposer, j’ai le droit d’exprimer ma créativité, j’ai le droit de ne pas trop en faire pour les autres… »