Moratoire sur les achats : 1er bilan
Voilà 10 jours que j'ai posé un moratoire sur les achats. Interdiction d'acheter quoi que ce soit en dehors de l'alimentaire et des produits d'entretien ou d'hygiène. J'ai noté scrupuleusement sur une feuille ce que je me suis refusé. Attention, je ne parle pas des objets dont on se dit quand on les voit : "Oh si j'avais de l'argent, je me l'achèterais". Non. Je parle de ceux pour lesquels, avant le moratoire, j'aurais instinctivement dégainé la carte bleue. Je parle de ces "pas grand chose" entre 10 et 45 euros dont on se dit que ce n'est pas si peu qui crèvera le budget.
Je vois aujourd'hui trois intérêts majeurs à la démarche :
1/ Je fais des économies. Depuis 10 jours, j'ai économisé 177 euros. Oui, vous avez bien lu : avant le moratoire, j'aurai dépensé 177 euros en choses "indispensables" sans m'en rendre compte. Est-ce à dire que j'allais jusqu'à dépenser le triple en 30 jours, je n'ose même pas me poser trop longtemps la question... Voilà 12 ans que je vis au dessus de mes moyens en ayant l'impression de ne jamais dépenser beaucoup.
2/ Cela me rend inventive! Dernièrement j'ai eu envie d'acheter des ronds de serviette parce que nous ne reconnaissions jamais nos serviettes en tissu et personne ne voulait s'essuyer avec la serviette du voisin. Notre grande fille nous a donné une idée géniale : pourquoi ne pas utiliser des pinces à linge de couleur différente pour chacun? Aussitôt dit, aussitôt fait, je suis allée chercher 6 épingles en bois et nous avons organisé un atelier peinture avec les petits, ravis de bricoler dans l'intérêt familial!
Dans le même genre, j'ai transformé un vieux tupperware en beurrier, j'ai cousu des rubans sur un torchon pour m'en faire un tablier... Non seulement je fais des économies mais je suis fière de nos trouvailles! Et ça c'est bon pour l'égo! Quand on réfléchit bien, il y a un nombre incroyable de choses que l'on peut faire soi même.
3/ Le moratoire met à jour mes motivations profondes d'achat et mes comportements face à l'argent. Je suis une dépendante en cure de désintox, avec parfois des crises de délire dues au manque. Ainsi, hier, je voulais absolument acheter de la dînette pour ma fille. Lorsque je me suis souvenue de mon moratoire, j'ai été prise de panique. "Ce sont les soldes! C'est le moment d'acheter! Si je ne le fais pas tout de suite, il sera trop tard!"
Trop tard? Trop tard pour quoi? Est-ce que la dînette aurait explosé, aurait disparu en fumée dans 20 jours? Est-ce que ma fille allait grandir si vite en trois semaines qu'elle ne voudrait plus jouer à la dînette? Est-ce que cette promotion de 30% était si importante pour moi?
Bien sûr que non. Mais les publicitaires nous matraquent tellement, chaque jour, que nos envies doivent être comblées dans l'instant, qu'il nous paraît insupportable d'attendre. Ecoutez bien, lisez bien les slogans publicitaires : tout est axé sur l'immédiateté.
"Profitez dès à présent de cette offre exceptionnelle"
"Le magnétoscope pour 1 euro de plus jusqu' au .... Après il sera trop tard!"
"Un abonnement d'un an à notre magazine est à gagner par les 100 premiers qui nous répondront!"
"Carr...r met en vente 2547 appareils photos ce mois-ci, pas un de plus! Dépechez-vous"
et j'en passe. Nous sommes complètement anesthésiés par ces offres diaboliques. Les publicitaires nous font croire que nous avons besoin (et non envie) d'une chose, et aussi, de plus en plus, que nous y avons "droit". ne surtout pas se priver. Rivaliser de biens, de choix, de signes extérieurs de richesse avec le voisin. Comme si posséder disait qui on est. Comme si "y avoir droit" devait systématiquement se solder par "avoir" tout court.
Consommer, c'est montrer que l'on est puissant, que l'on grimpe les échelons de la société, que l'on est quelqu'un. Ah... je croyais qu'on était tous quelqu'un à partir du moment où l'on était vivant...
On croit aujourd'hui avoir bien plus de choix qu'il y a 50 ans, je reste convaincue, qu'au contraire, la publicité et le matérialisme nous enfermetn un peu plus chaque jour dans notre impuissance et dans nos peurs.
Impuissance à savoir qui l'on est, impuissance à assumer ce que l'on aime réellement, impuissance à connaître nos désirs profonds, impuissance à aller vers l'Autre.
Peur e manquer, peur du vide, peur de se retrouver face à soi-même, peur de se voir vieillir puis mourir.
Alors, pour ne pas penser, pour combler ces trous, on consomme : des objets, des collections, des services, des loisirs, du voyage de l'image, de l'argent, du son...
Et si on ralentissait cinq minutes ?
Et si on descendait du train à la prochaine gare, pour un rendez-vous avec nous mêmes ?
Pas longtemps. 1 mois, 15 jours, 1 semaine, 1 journée.
De quoi avez-vous peur si vous arrêtez de consommer ?
Ce jour là, je n'ai pas acheté la dînette pour ma fille et j'ai pris 10 minutes pour réfléchir et écrire cet article.